jeudi 8 novembre 2012

Intérêt général et intérêts particuliers dans la santé étudiante

En complément du communiqué sur les mutuelles étudiantes, nous reproduisons ici un article paru en Juin sur le site de SUD étudiant Lille sur les mutuelles étudiantes, qui explique en grande partie les intérêts des mutuelles étudiante dans la perpétuation du système actuel.
Pour consulter le site : http://sud-etudiant.univ-lille1.fr/

Comme nous l’avons déjà évoqué sur ce site, l’organisation de santé pour les étudiants n’est ni rationnelle ni efficace.

Alors même que, sur les universités, des structures de médecine universitaire font tout ce qu’elles peuvent pour venir en aide aux étudiants, l’organisation générale du système est laissée aux affairistes qui en tirent de juteux revenus au détriment des étudiants.


 

Pour bien comprendre il faut savoir que le régime de sécurité sociale étudiant est très spécifique. Alors que la plupart des travailleurs sont gérés par la sécurité sociale, nous nous sommes contraints de passer par une structure privée couramment appelée mutuelle étudiante qui sert d’intermédiaire entre la sécurité sociale et nous. Et il existe, presque partout, 2 structures en concurrence pour exercer cette activité.

La sécurité sociale ne remboursant pas l’intégralité des dépenses de santé, les étudiants doivent souvent prendre une complémentaire santé qui couvre une grande partie de la part restante.
Les salariés paient via les cotisations sociales prélevés sur leur salaire le financement de leur sécurité sociale. Les étudiants ne percevant pas de salaire, une somme leur est demandée chaque année au moment de leur inscription pour payer cette sécurité sociale, elle est comprise dans les frais d’inscription. Les étudiants boursiers en sont exemptés.


C’est pour choisir la structure privée qui sera intermédiaire entre la sécurité sociale et vous qu’au moment de votre inscription on vous demande de cocher entre la LMDE (structure nationale) et souvent une structure régionale dont le nom varie selon les régions(SMENO pour le nord-ouest, SMERA pour Rhône-Alpes, SMEREP pour l’Ile-de-France, MGEL pour la Lorraine, SMEBA dans l'ouest etc...).
Ces 2 sociétés sont rémunérées pour servir d’intermédiaire et c’est pourquoi elles se disputent votre choix. Elles font toutes deux très exactement la même chose.


Pour la partie complémentaire, donc non obligatoire, plusieurs situations existent, vous pouvez être couvert par la mutuelle parentale mais ce n’est pas systématique (parents sans-emploi par exemple), dans ce cas vous serez vivement invités, par les 2 mêmes structures en compétition, à choisir une de leur formules de mutuelles remboursant plus ou moins bien les dépenses non couvertes par la sécurité sociale. Cela leur rapporte évidemment de l’argent.

Ce qu’ils évitent soigneusement de vous dire, c’est qu’une grande partie des étudiants peut bénéficier, de par leurs faibles revenus, d’un dispositif appelé CMU complémentaire. Dispositif qui remplace très avantageusement les mutuelles puisqu’il est public, gratuit et qu’il couvre la totalité de la part normalement non prise en charge par la sécurité sociale. Ces mutuelles vont parfois même jusqu’à mentir aux étudiants ayant vaguement entendu parler de la CMU Complémentaire en leur affirmant que si ils y ont droit, la mutuelle fera automatiquement les démarches pour eux, ce qui est un mensonge total.
Pour bien comprendre la CMU Complémentaire, il faut expliquer ce qu’est la CMU. CMU signifie Couverture Médicale Universelle et est un dispositif de solidarité géré par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) destiné aux personnes à faibles revenus. Il est composé de la CMU socle qui permet de bénéficier gratuitement de la sécurité sociale de base et de la CMU complémentaire, qui viens en complément pour couvrir les dépenses non couvertes par la sécurité sociale.
Les étudiants devant s’acquitter au moment de leur inscription des frais de sécurité sociale, en passant par un intermédiaire privé, ils ne peuvent jamais bénéficier de la CMU socle et ne peuvent que bénéficier de la CMU complémentaire.
Quand en 1999, la CMU a été créée, les mutuelles ne l’ont évidemment pas vu d’un bon œil, ces prédateurs se sont plaint d’une éventuelle baisse de leur bénéfice et une nouvelle concession leur a été faite, dans la première année où l’étudiant bénéficie de la CMU complémentaire, elle est obligatoirement gérée par la mutuelle à laquelle avait initialement souscrit l’étudiant, ce qui bien évidemment donne lieu à rémunération de la mutuelle. L’étudiant devra faire une démarche supplémentaire au bout de la première année pour être géré directement par la CPAM. Là encore, le lobbying a été extrêmement puissant, au détriment de l’intérêt général.

Cette situation d’une grande complexité n’a rien d’une maladresse des administrations, elle est le résultat d’un intense lobbying réalisé auprès des députés et autres responsables politiques en 1948 par l’UNEF, au moment de la création de la sécurité sociale pour tous, afin que les étudiants ne bénéficient pas du régime général mais soient contraints de cotiser auprès d’une structure spécifique. Structure qui pourrait être contrôlée par l’UNEF, L’intense lobbying est un succès et la MNEF est créée.
En 1971, sous Valéry Giscard d’Estaing, sont mises en place des dispositions particulières visant à réduire le contrôle de l’UNEF sur ce secteur, mais au lieu de revoir le modèle en profondeur, le pouvoir préfère instaurer de la concurrence dans le système en facilitant la création de structures régionales contrôlées par des associations de filière qui recréent avec ces structures des liens équivalents à ce qui existe alors entre l’UNEF et la MNEF.

Les choses se sont passé ainsi jusqu’en 2000 où des scandales dans la gestion de la MNEF conduisent à sa disparition. Mais peu de temps après est recréé une autre structure nationale appelée LMDE qui est contrôlée par l’UNEF.

On se rend bien compte ici que des structures tirent un grand bénéfice de cette situation absurde et qu’elles n’ont aucun intérêt à ce que cela change. Leur intérêt passant avant celui des étudiants.
Que ce système soit extrêmement coûteux (machine administrative inutile, publicité et autres dépenses de communication...), incompréhensible pour la plupart des étudiants, générateur d’abandon de soin et facteur de multiples complications pour les usagers, cela importe peu, l’important est qu’il continue de leur rapporter beaucoup.

Leur cynisme va en fait encore plus loin, les complémentaires santé coûtant cher, beaucoup d’étudiants choisissent de ne pas en souscrire et donc une part de leurs dépenses de santé ne seront pas remboursés. Cela amène beaucoup d’étudiants à renoncer à des soins. Une grande partie pourrait pourtant bénéficier de la CMU complémentaire mais ils l’ignorent ou ont cru aux mensonges propagés par certaines structures indiquant que ce dispositif ne couvre pas tout, est inadapté aux étudiants...

Du point de vue des mutuelles, c’est surtout des clients perdus. Donc ils ont réfléchi et ont trouvé une parade, une structure de ce rassemblement d’intérêts bénéficiant de relais important dans le monde politique, l’UNEF s’est mise à demander aux régions de financer un « chèque santé » pour payer les mutuelles que les étudiants ont du mal à payer. Alors qu’il serait si simple de faire adhérer directement les étudiants à la sécurité sociale et de faire bénéficier de la CMU entière ceux dont les revenus le justifient, on demande à la collectivité de financer le business des mutuelles que les étudiants n’arrivent plus à payer. Si les collectivités locales souhaitent vraiment agir sur la santé des étudiants, elle seraient bien mieux inspirés de financer les services de santé universitaires.

Facteur aggravant la situation, le gouvernement Sarkozy peu avant de perdre les élections présidentielles et législatives a relevé le niveau de ressources exigé aux étudiants étrangers pour pouvoir être accueillis en France afin qu’il soit supérieur au seuil de ressource permettant de bénéficier de la CMU complémentaire. Donc la totalité des étudiants étrangers ne peuvent plus bénéficier de la CMU complémentaire et le nouveau gouvernement n’a fait aucune annonce rassurante dans ce domaine.

SUD Étudiant, conscient de l’absurdité du système, demande en urgence que des permanences de la CPAM soient mises en place sur les universités pour faciliter les démarches de CMU complémentaire pour les étudiants et que le seuil de ressources exigées pour les étudiants étrangers soit sensiblement revu à la baisse.
Dans un second temps, nous exigeons que la sécurité sociale étudiante soit directement gérée par la sécurité sociale. Pour qu’enfin la santé de étudiants soit à l’abri des prédateurs !

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